Allaitement et alcool : De la théorie à la pratique

Coup d'oeil sur les données connues

Il est bien démontré que le taux d’alcool contenu dans le lait maternel est similaire à celui dans le sang de la mère au même moment et que la petite molécule d’éthanol circule rapidement de l’un à l’autre. Après une consommation, il faut entre deux et trois heures pour que l’alcool soit éliminé du corps de la mère et donc du lait maternel.

 

L'impact de la consommation d'alcool

Bien que le taux d’alcool contenu dans le lait maternel soit très faible, il faut garder en tête que le nouveau-né métabolise plus lentement l’alcool qu’un adulte et est plus sensible à ses effets. Des perturbations au niveau du sommeil et du développement moteur ont été notées chez les bébés allaités dont la mère buvait de l’alcool de façon régulière ou excessive. À mesure que le bébé vieillit, ces effets tendent à s’atténuer.

Cependant, c’est surtout au niveau de la production lactée et du réflexe d’éjection que l’alcool aurait un impact significatif. En effet, cela semble causer un blocage du réflexe d’éjection du lait en raison d’un débalancement hormonal. Il en résulte une diminution du transfert de lait au bébé, ce qui peut mener à un ralentissement de la production lactée et de la croissance du bébé à long terme. Dans certains cas, il est aussi possible que le bébé prenne moins de lait en raison du changement d’odeur et de goût du lait causé par l’alcool.

Il faut aussi garder en tête que, dans la majorité des situations, les bienfaits de l’allaitement maternel dépassent les risques associés à une faible consommation d’alcool par la mère. Ils surpassent aussi largement ceux liés aux préparations commerciales pour nourrissons, dans les cas où la mère choisirait cette option par crainte de causer du tort à son bébé en prenant un verre.

L'importance de rester en plein possession de ses moyens

Selon le Dr Jack Newman, ce n’est pas tant la concentration d’alcool dans le lait qui cause problème pour le bébé, mais plutôt la capacité de la mère à en prendre soin si elle est sous l’effet de l’alcool. Même dans le cas d’un excès ponctuel ou d’un abus régulier, les risques de négligence ou de blessures accidentelles seraient davantage problématiques que la consommation en elle-même.

C’est la prise régulière ou excessive d’alcool qui seraient associées à des effets négatifs chez le nourrisson allaité et sur la production lactée. Les recherches tentent à démontrer que la consommation occasionnelle et modérée d’alcool est compatible avec l’allaitement. Vous pouvez donc prendre un verre en famille ou entre amis, sans crainte, sans culpabiliser et sans vous casser la tête.


Pour garder bébé en sécurité

De nombreux parents pratiquent le cododo (partage d’une même surface de sommeil) avec leur bébé. Si c’est le cas, assurez-vous que les adultes qui dorment avec bébé ne soient pas sous l’influence de l’alcool, ce qui pourraient représenter un risque en raison de la diminution des réflexes. Pensez à une solution de rechange sécuritaire pour les soirées plus festives (partage du lit avec parent sobre seulement, lit-parc ou lit à barreaux dans la chambre des parents…). 


D’ailleurs, il est important de s’assurer que la mère allaitante qui consomme de l’alcool soit en état de s’occuper de son bébé. Si vous prévoyez une soirée plus arrosée et que votre état de de vigilance risque d’être affecté, pensez à prévoir quelqu’un pour prendre soin de votre enfant. Le niveau d’alcool dans le sang risquant d’être trop élevé, il serait préférable d’offrir du lait préalablement exprimé, plutôt que de donner le sein. Vous pourrez exprimer un peu de lait au besoin (et le jeter) si vous vous sentez inconfortable. En cas de doute, il existe même des bandelettes pour tester le contenu d’alcool dans le lait. 

Appliquer les principes au quotidien

Les occasions pour prendre un verre sont souvent nombreuses : anniversaires, temps des Fêtes, souper entre amis, après-midi sur une terrasse, souper au restaurant... Pour bien des gens, cela représente un petit plaisir de la vie et les mères qui allaitent n’y font pas exception ! Il a été démontré qu’une consommation occasionnelle et modérée était généralement compatible avec l’allaitement. Voici quelques conseils pour profiter du moment en toute sécurité.

 

Pour limiter l’exposition du bébé à l’alcool 

Étant donné que le taux d’alcool dans le lait est similaire à celui dans le sang de la mère, bébé recevra moins d’alcool si vous buvez aux environ de la tétée. Certaines sources disent juste avant, d’autres juste après et la plupart des mères vous diront que c’est plus agréable de siroter un apéro bien tranquille dans le sofa en allaitant !

Il faut environ 2 à 3 heure pour éliminer une consommation d’alcool du lait et du sang de la mère. C’est pourquoi on recommande d’attendre environ 2 heures avant la prochaine tétée (ce qui n’est pas toujours possible!). Par le passé, on disait aux mères d’exprimer leur lait et de le jeter, pensant ainsi retirer l’alcool contenu dans le sein. Heureusement, les connaissances ont évolué et il est bien démontré que cette pratique n’est plus nécessaire, l’alcool sortant rapidement du lait à mesure que le taux sanguin maternel diminue. 

Fait intéressant, manger un repas ou exprimer du lait juste avant de boire diminue la disponibilité de l’alcool dans le corps de la mère. Et encore plus intéressant, les deux effets s’additionnent ! Pour celles qui voudraient faire le maximum pour limiter l’exposition de bébé à l’alcool, Il existe même des tableaux pour avoir une idée plus précise du temps nécessaire à l’élimination complète de l’alcool, en tenant compte du poids de la mère et du nombre de consommations. (Exemple sur Meilleur Départ

Grosso modo, la modération et une bonne gestion du temps contribueront à limiter l’exposition du bébé à l’alcool. 

Ce que veut dire « consommation modérée »

Vous connaissez les « niveaux de consommation d’alcool à faible risque 2-3-4-0 » présentés par Éduc’alcool ?  

Si ce n’est pas le cas, c’est le temps de se renseigner ! Pour les femmes, en général, on recommande de ne pas prendre plus de 2 verres par jour, pas plus de 10 par semaine, de se limiter à 3 verres dans une soirée plus « arrosée » et de ne pas boire tous les jours. Donc, pour être prudente lorsqu’on allaite, il faut se limiter à ces quantités maximales, voire viser plus bas. 

Le volume d’une consommation ou d’un verre standard est également à prendre en compte pour assurer une modération : nous servons généralement des verres beaucoup plus généreux! À se rappeler aussi, plus le pourcentage d’alcool est élevé, plus petit doit être le volume consommé. Voici les exemples d’Éduc’alcool pour une consommation ou verre standard : 

  • 1 bouteille ou verre de bière à 5% (340 mL / 12oz)
  • 1 verre de vin à 12% (140 mL / 5 oz)
  • 1 verre de vin fortifié à 20% (85 mL / 3 oz)
  • 1 verre de spiritueux à 40% (45 mL / 1,5 oz)
  • 2 verres de cidre à 6 % (140 mL / 5 oz)

En conclusion

Garder l’allaitement simple est une des meilleures façons de bénéficier de ses avantages. Si l’idée de ne pas pouvoir apprécier un verre à l’occasion représente un frein à l’allaitement pour vous, nous espérons que cet article aura su vous rassurer et vous guider !

Si vous avez d’autres questions au sujet de la consommation d’alcool pendant l’allaitement, n’hésitez pas à consulter un professionnel de la santé à l’aise avec le sujet (IBCLC, nutritionniste et infirmière notamment). 

 

Par Sophie Morel, Dt.P. IBCLC

Date de publication : 11 décembre 2018 - Republication : 3 décembre 2019

Références

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BLUCHEAU, Judith. Alimentation, nutrition et grossesse – Tout ce que vous devez savoir de la préconception à l’allaitement [Food, nutrition and pregnancy - Everything you need to know from preconception to breastfeeding], Ville, Éditions La Semaine, 2015, 175 p.

ÉDUC’ALCOOL. Low-risk drinking guidelines on Québec;: [Online] (consulted in May 2021)

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LLL INTERNATIONAL. The Womanly Art of BreastfeedingI, 8e édition. New York, Ballantines Books, 2010, 552 p.

MOHRBACHER, Nancy. Breastfeeding answers made simple: a pocket guide for helping mothers, Amarillo (États-Unis), Hale Publishing, 2012, 317 p.

NEWMAN, Jack et PITMAN, Teresa. Dr. Jack Newman’s Guide to Breastfeeding, 2e edition, Toronto, HarperCollins Publishers, 2014, 383 p.

WAMBACH, Karen et RIORDAN, Jan. Breastfeeding and Human Lactation, 5e edition, Burlington (États-Unis), Jones and Bartlett Learning, 2016, 966 p.