Regina et Ramy
Portrait de famille
Verdun (Montréal)
Parents de Daniel, 7 mois
Regina est originaire de l’Argentine, où il est monnaie courante d’allaiter en public, et Ramy est Égyptien.
Ensemble, ils se sont établis dans la métropole et y ont fondé leur famille. L’arrivée de leur premier enfant, Daniel, a soudé leur couple plus que jamais, malgré les défis.
Regina nous livre ici un témoignage poignant sur ce parcours d’allaitement aussi difficile que lumineux. Et sur le rôle central qu’a joué Ramy dans le succès de cette épopée.
« Notre expérience générale est très positive, mais le défi était là dès le début. Nous avons beaucoup appris sur nous-mêmes et sur notre bébé, Daniel. Heureusement, j’ai été très bien entourée et supportée par mon conjoint et mon environnement (sages-femmes, conseillère en lactation, doula, etc.). »
« Daniel, notre bébé, est né avec trois freins dans sa bouche et un torticolis. Daniel ne pouvait pas téter. À l’hôpital – où j’ai accouché en urgence (notre plan était la maison de naissance) –, les professionnels ne se sont même pas aperçus du problème. Moi, maman pour la première fois, je pensais que c’était mon inexpérience.
Rendus à la maison, c’était l’été, Dani était déjà un peu déshydraté. Dès la première visite, notre sage-femme s’est rendu compte vite du problème et on a été envoyé à la clinique de lactation de l’Hôpital général juif. On a dû attendre trois semaines avant de voir quelqu’un. C’était les trois semaines les plus longues de ma vie.
Entre-temps, on a décidé de payer une consultante en lactation de nos poches parce que l’allaitement maternel était un choix fait par nous, les parents, pour donner le mieux à notre petit loup. On est tombé sur notre ange, Sonya, qui nous a appris pas seulement à allaiter, mais aussi à apprendre à connaître Daniel qui nous donnait plein de signes qu’on ne comprenait pas au début.
Cela dit, mon cœur était déchiré de voir mon garçon qui ne pouvait pas prendre le sein, d’avoir introduit un biberon ici et là pour pouvoir sortir de la maison, de sentir que j’avais échoué. La culpabilité, les larmes, les longues nuits. Une chance que j’avais mon chum à côté pour partager avec lui tous ces sentiments. Un jour on voyait une petite amélioration, le jour suivant c’était la catastrophe. »
« Ramy, mon copain, souffrait lui aussi. Maintenant, avec la distance, je me rends compte qu’il vivait beaucoup de solitude. Moi, je l’avais, lui. Mais lui? Il avait un ou deux amis seulement avec des enfants, et quelques collègues au travail. Il a questionné tout le monde. Il est allé lire tout ce qu’il y avait à lire ou à apprendre.
Il est tombé sur deux collègues avec des difficultés semblables qui lui ont dit que leurs enfants ont pris le sein tout d’un coup autour de deux mois. Et il rentré très optimiste ce jour-là… et moi j’ai crié vers le ciel : « deux mois??!!! Il faut que je continue à être enfermée pour exprimer mon lait chaque 2-3 heures pendant deux mois??? Et tu trouves ça positif?? ».
Deux mois semblaient une éternité. Mais ils sont passés tellement vite que je ne me souviens même plus tout ce qu’on a vécu : exprimer du lait dans l’auto dans le voyage Montréal-Québec, ensuite Montréal-Ottawa et ensuite Montréal-Toronto, gérer le tout dans les hôtels, traîner partout les biberons, le tire-lait, les sacs de congélation, etc. Je me suis promise que ce problème n’allait pas définir ma maternité.
Et je suis très têtue, je dois avouer. À chaque petite victoire, je rêvais d’un jour pouvoir sortir avec mon enfant, comme toutes les autres mamans, et l’allaiter librement dans un parc ou dans un café. J’ai rêvé beaucoup. Je suis athée, mais j’ai aussi prié pour la première fois dans ma vie. J’ai demandé à mes deux grands-mamans de m’aider, de m’envoyer de la force pour essayer encore un jour. »
« Et je tenais Daniel contre ma poitrine, collé à moi chaque nuit pour dormir peau à peau, et je lui demandais, avant de fermer mes yeux, de ne jamais arrêter de chercher mon odeur, que maman serait toujours là pour lui. Et je m’endormais, pour recommencer un nouveau jour. Quand il avait commencé à prendre le sein, au bout d’un mois et demi d’essai, j’ai fait une méchante mastite et il n’a pas voulu reprendre le sein. J’ai ainsi appris que quelques bébés n’aimaient pas le goût.
Je ne peux pas expliquer comment mon cœur était brisé en mille morceaux. Mais Ramy était toujours là, avec son optimisme, sa patience, son écoute et son amour inconditionnel. Et il m’encourageait toujours à poursuivre les exercices, les essais, la chiro de Dani en me laissant toujours l’espace pour m’arrêter si ma santé mentale me le demandait.
Et j’ai continué… et un mois plus tard, un dimanche soir « out of the blue », Daniel a ouvert ses yeux, m’a regardé avec ses yeux magiques comme en disant « OK maman, je suis prêt », et sans le pousser, sans essayer, je l’avais dans mes bras, poitrine à l’air, et il a pris mon sein. Et depuis, on ne s’est plus séparés. Et j’ai commencé à sortir plus, à aller au parc pour allaiter mon beau Daniel, et dans les cafés, toute seule, juste pour le plaisir d’allaiter mon bébé avec une grande tasse de thé. »
« Ce fut l’expérience la plus intense de ma vie, probablement mon plus grand défi. J’ai vécu dans 17 pays différents, je n’ai jamais eu à surmonter une expérience si difficile du point de vue humain : chercher en soi la force et la patience qu’on ne croit jamais avoir.
Et je sais que sans Ramy comme copilote de cette belle aventure, je n’aurais probablement pas réussi. Ramy m’a appris à prendre soin de moi – il me le rappelle toujours –, mais à toujours continuer avec mes rêves et mes désirs. Je l’applique maintenant dans plusieurs aspects de ma vie.
Cette expérience nous a rapprochés d’une façon unique : on est vraiment plus en amour que jamais. On se sent très fort comme couple, capables de surmonter tous les défis. Note finale : oui, il avait raison finalement, ça prendrait autour de deux mois. Depuis là, j’écoute plus attentivement mon amoureux « Ramy, l’optimiste ». »